[RP] Chronique d'un libre marchand

Un grincement incessant et agaçant. Encore. Toujours. L’éternel fond sonore du cryoaérateur, maudit soit-il, ne cesserait jamais. Aucun échapatoire. Il y avait de quoi devenir fou.
Kele bascula lentement sur le flanc, bousculant les restes des bacchanales de la veille. Le tintement horrible des bouteilles vides tombant au sol réveilla un mal de crâne aussi profond que persistant, que seule égalait la nausée montante de son estomac torturé. Maudite planète.
Le libre marchand ouvrit les yeux, à contrecoeur. Le soleil agressif de Pandaemonium mordait déjà férocement l’horizon, et d’ici quelques parsecs, un cycle tout au plus, le complexe minier serait de nouveau baigné dans une chaleur infernale. Les cryoaérateurs seraient poussés au maximum dans toutes les structures habitées, afin de maintenir un semblant de confort, mais comme de coutumes, tous souffriraient de la fournaise des portes de l’enfer. Kele explosa de rire et bascula sur le dos. Les portes de l’enfer, jamais une capitale de planète n’aura portée aussi bien son nom, et c’était lui, le libre marchand Kele Thorn, qui en avait reçu la régence sur décision de la fédération. Cette même fédération qui aujourd’hui lui demandait de faire appliquer une constitution dont nul n’avait entendu parler à des années lumières, au bas mot ! Et sur SA planète qui plus est. La fédération avait vraiment un sens de l’humour très appréciable, autant qu’une journée de bronzage intégral en dehors des épais murs de la station.
Le comuvox s’illumina, à l’autre bout de la pièce. Kele se redressa, laissant choir à ses pieds des draps souillés de sueur. Il s’avança pas à pas au milieu des bouteilles d’alcool vides et des rapports répandus sur le sol : taux de production minérale, relevé de pics d’énergie, rapport sur les exécutions des ouvriers récalcitrant… Cette paperasserie l’agaçait au plus haut point, et Kele espéra que le gros Joël arriverait à lui fournir un droïde de gestion, quelle qu’en soit la provenance.

Un vertige soudain le prit, et l’homme du s’appuyer sur le mur le plus proche. Les abus de la veille se faisaient encore férocement sentir, et il ne put reprimer la violente crampe de son estomac. Kele régurgita tout ce que son estomac contenait, vomissant et toussant à la fois au milieu de l’odeur écoeurante de ses résidus. Il était certain que ce n’était pas l’image que se faisait la fédération d’un gouverneur planétaire. Peut-être quil aurait du vêtir une chemise avant de vomir, il n’en aurait paru que plus distingué.

Le comuvox s’illumina de nouveau, indifférent au spectacle pitoyable qu’offrait le libre marchand. Kele voulut éteindre l’infernale machine, mais un faux mouvement ne fit que l’activer. Immédiatement, la voix grésillante de Stanislas Yerovitch, le responsable com, inonda la pièce.
« Chef, le juge est arrivé. Le nouveau que vous attendiez, un certain Bartholomeo Stinger. On fait quoi . »
Un bref instant, Kele fut tenté de donner la réponse habituelle, mais une impulsion soudain le retint.
« Donne l’accord pour l’atterissage. Une seule navette. La vague de feu ne va pas tarder, autant éviter un malheureux accident. »
« Reçu chef. Accord transmis »
Finalement, la journée commençait bien. Il allait pouvoir s’amuser.